mardi 15 septembre 2009

À Paris, rue des Martyrs



La rue des Martyrs est célèbre pour son bar-tabac cher à François Hadji-Lazaro. Mais en la descendant, on change d'univers en passant devant le très sage lycée Edgard-Quinet, dont l'entrée témoigne de l'évolution du système éducatif : de l'école primaire supérieure ou EPS (conduisant au brevet supérieur d'avant-guerre, d'un niveau équivalent au baccalauréat — c'est au B.S. que conduisaient aussi jadis les écoles normales d'instituteurs) au lycée polyvalent d'aujourd'hui.

De Jules Ferry à 1940 exista un certificat d'aptitude commun pour le professorat dans les écoles normales d'instituteurs et les écoles primaires supérieures (relevant de l'enseignement primaire), auquel préparaient les écoles normales supérieures de l'enseignement primaire (Saint-Cloud pour les garçons, Fontenay-aux-Roses pour les filles), les ENS de la rue d'Ulm et de Sèvres formant les professeurs de lycée après passage dans les classes préparatoires des lycées.

Pour en savoir plus, on pourra se promener dans le dictionnaire de Ferdinand Buisson (à commencer par l'article sur les EPS)*, qui permet à l'écran d'ordinateur de fleurer l'encre violette et la craie. Cela date d'une époque ou l'école primaire se prolongeait tandis que le lycée — socialement marqué (il fut payant jusqu'au Front populaire — hors aux lauréats du concours des bourses — et l'une des premières mesures de Vichy fut d'annuler la gratuité) — avait ses propres classes élémentaires.

La possession du certificat d'aptitude (un examen) permettait de postuler à la fonction, mais ne le garantissait pas. Au nombre des professeurs d'école primaire supérieure on compta l'homme en proie aux enfants, Albert Thierry, mais aussi Marceau Pivert, ancien élève de l'école normale d'Auteuil (l'EN de garçons de la Seine) puis de l'ENS de Saint-Cloud (rétrogradé pour des raisons politiques comme simple instituteur).


Les EPS ne sont plus. L'évolution fut consacrée en 1942, mais le mouvement était porté déjà par Jean Zay, l'exceptionnel ministre de l'Éducation nationale du Front populaire(radical, comme Mendès-France), avec un souci de démocratisation et de transformation du système éducatif.

Quant à Edgar Quinet — ce quarante-huitard qu'exila le coup d'État du 2 décembre 1851 de Badinguet et qui, comme Victor Hugo, refusa l'amnitie ultérieure de Napoléon III —, pour qui est-il aujourd'hui autre chose qu'un lycée ou une station du métro parisien ?

Comme quoi, la (prise de) vue d'une simple façade peut conduire à des considérations qui, chez la plupart des passants, seraient inattendues...

* Sur Ferdinand Buisson lui-même, voir l'article de Wikipédia consacré à ce grand républicain, prix Nobel de la paix en 1927, proche collaborateur de Jules Ferry, dreyfusard au point d'être un des cofondateurs de la Ligue des droits de l'homme qu'il présidera de 1913 à 1926